Rubriques : animalier, aventure, documentaire, écologie
Auteur : Nicolas Vanier
Otchum
À propos :
Une histoire vraie: celle de Nicolas Vanier, l'explorateur du Grand Nord, le plus souvent en traîneau à chiens. Un jour, un trappeur de Sibérie lui offre un jeune chien de chasse, Otchum. Entre l'aventurier et l'animal, l'entente est immédiate. Nicolas en fait le chef de la meute de son attelage…
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Les plus :
(histoire vraie)
Nicolas Vanier effectue depuis vingt ans des expéditions dans le Grand Nord, le plus souvent en traîneau à chiens. Un jour, un trappeur de Sibérie lui offre un jeune chien de chasse, Otchum. Entre l'aventurier et l'animal, l'entente est immédiate. Nicolas en fait le chef de la meute de son attelage.
Durant l'hiver 1995, Nicolas effectue une longue expédition dans le Grand Nord canadien avec sa femme, Diane, et sa fille, Montaigne, âgée de 2 ans. Un soir, Otchum sauve la vie de son maître. Nicolas raconte…
En danger
Cela fait une semaine qu'un gros ours grizzly rôde autour de notre cabane, attiré par nos réserves de nourriture. Habitué à notre présence et à notre odeur, il n'a plus peur de rien. La nuit il s'approche jusqu'à quelques mètres de la porte et saccage ce qu'il trouve.
Nous avons tout essayé pour le faire fuir, même les coups de feu tirés en l'air. Mais il s'en moque.
Diane et Montaine n'osent plus s'éloigner, même lorsque Otchum les accompagne. La menace est réelle et je suis décidé à l'abattre. Or l'animal ne se montre que la nuit et il serait trop dangereux de tenter quoi que ce soit dans le noir.
Cette nuit-là, les heures s'écoulent lentement. Seule Montaine parvient à dormir. Diane et moi sommes sans cesse réveillés en sursaut par des craquements de branches et par les aboiements d'Otchum.
Brave chien! Il a endossé le rôle d'ange gardien de la famille! Il passe son temps à poursuivre l'ours sans relâche pour l'éloigner du camp. Il est le seul de la meute à oser le faire. Les autres, tous à la chaîne, n'émettent pas un son, terrorisés.
L'occasion
Le lendemain, aux premières lueurs de l'aube, je sors constater les dégâts. La vision des empreintes énormes de l'ours non loin de la cabane me glace le sang. J'imagine sans peine la taille de celui qui les a laissés! Je fais rentrer Otchum. Après un coup de langue à Montaine, encore assoupie dans son sac de couchage, il s'écroule sur le plancher, épuisé mais satisfait du devoir accompli. Diane le cajole, remerciant le ciel que, cette nuit encore, il ait échappé aux mortelles pattes du grizzly.
La journée s'écoule dans l'anxiété. En fin d'après-midi, je me décide à sortir: il faut bien aller cher-cher de l'eau et fendre du bois! Quant aux autres chiens de la meute, ils réclament leur pitance.
Je me mets à observer les montagnes avec mes jumelles. Soudain, je m'immobilise, stupéfait. Sur un rocher en surplomb de la rivière, le grizzly est assis, il hume l'air en notre direction, l'air insolent et majestueux. C'est la première Fois que je le vois!
Sans doute va-t-il traverser la rivière et s'approcher de notre campement avant la nuit. Il faut que je réagisse vite car c'est ma seule chance de l'abattre. Mais la première balle doit être la bonne, sinon l'animal me chargera! Rapidement, je rentre et explique la situation à Diane et Montaine. Malgré ses 2 ans, notre fille comprend parfaitement la gravité de la situation! Diane promet de s'enfermer avec elle dans la cabane.
J'attache Otchum à un arbre pour qu'il ne dérange pas l'ours pendant mon approche. Avec son regard intelligent il suit fidèlement chacun de mes mouvements: la porte de la cabane que je ferme, le fusil que je charge, le canot que je fais glisser silencieusement sur l'eau. Devine-t-il comme mon coeur bat la chamade?
L'affrontement
Avec précaution, je me positionne de l'autre côté de la rivière, bien caché. L'ours a disparu. Il est rentré sous les arbres. A-t-il senti ma présence? Pendant un long moment, j'attends qu'il se montre à nouveau. Il faut rester calme, surtout ne pas trembler. Soudain, il apparaît. Il s'approche. Il est à 100 mètres… 80 mètres… 50 mètres…
Je me décide à tirer. La balle l'atteint en pleine poitrine mais ne suffit pas à le tuer.
Le voilà qui se dresse de toute sa hauteur en grognant et en fouettant l'air avec fureur. Il m'a vu. Il va charger, c'est sûr, et je n'ai pas le temps de remettre une balle dans mon arme. Il retombe sur ses pattes et s'élance vers moi.
"Vite, vite!" La panique me gagne.
C'est alors qu'une flèche noire déboule à toute vitesse et s'interpose entre nous deux. Otchum! Mon vaillant Otchum! Surpris, l'ours se détourne de moi pour charger le chien. Vite, je recharge mon arme et tire dans le cou de l'animal qui s'écroule enfin, vaincu.
Je m'élance vers Otchum. Il lit ma reconnaissance et mon affection dans mon regard.
"Otchum, mon Otchum, comment as~tu su que j'étais en danger? Comment t'es-tu détaché?"
(épilogue)
Otchum est mort. Les autres chiens de la meute jalousaient le lien qui nous unissaient à lui et ne supportaient plus sa supériorité de chef. Dans le Jura, peu après l'expédition, ils se sont mis à plusieurs pour le tuer au cours d'une bagarre. La nature n'est pas un conte de fées!